Désormais, le management doit être agile, et disruptif – j’adore ce mot, il est magique, comme une poudre de perlimpinpin qui se transformerait en fumée une fois tombée au sol. Ce mot m’évoque immédiatement Notre Président. Parfois, il faut rendre à César, ce qui est à Jupiter. Je m’égare.

Agile, donc. Les mots sont comme les modes, ils surgissent et font disparaître ceux devenus obsolètes. On ne parle jamais assez de l’obsolescence des mots. De la magie, je te dis. Avant, on avait le management humaniste, le Lean management, le Chief Happiness officer – manager du bonheur pour les non américanophiles étasuniens. Avant, fallait être heureux au boulot, au risque d’être ringard, fallait bouffer des chamallows et faire le yoghi l’air réjouis. Maintenant, il faut être agile. Tu le vois ton matou quand il saute sur le tabouret, puis bondit sur le bord de l’évier sans se casser la gueule. Agile, ton matou. Ben ! le management, c’est pareil. C’est la souplesse incarnée, l’adaptabilité, la flexibilité tous azimuts, la génuflexion avec pont arrière et distorsion de la cyphose.

Ah, c’est pas donné à tout le monde d’être agile, faut du talent, mon collaborateur, du talent naturel, inné, le genre de truc que tu ne pourras jamais acquérir avec l’expérience, la qualification, l’accumulation des savoir-faire de métier. Non ! Mon collabo, le talent c’est un don du ciel, comme l’agilité.

Heureusement, pour parler peuple, y’a le Scrum. Quoi, tu ne maîtrises toujours pas le parlé américano-étasuniens? Fais gaffe, mon subordonné, tu vas te faire étriller au prochain reporting. Le Scrum, c’est très méthode agile. C’est comme avec le rugby, t’as la mêlée – le Scrum – et pour rendre heureux tes clients, tu pousses en mêlée tous ensemble. C’est beau comme de la coopération, sauf que là, c’est du pipo – ouais, je suis un peu musicien aussi. T’as le n°9, le demi-de-mêlée qui est à la manœuvre, avec son demi d’ouverture qui oriente le truc. Ils sprintent tous ensemble – bon, là, tu sens bien que la métaphore du rugby est un peu bancale. Parce que, va faire un sprint avec des piliers qui font plus du quintal. De la clarinette pour new manager sortis d’écoles de commerce bon chic bon genre. Le Médef, il adore l’agilité. Ça mange pas de pain, ça met au pas les subordonnés, jusqu’à la prochaine mode…