Vous en pensez quoi de la Grèce ? C’est la crise ! Ben oui, forcément, à force de faire n’importe quoi, de jouer les Grecs comme on joue les cigales, voilà, on finit par ne plus avoir de provision quand la bise arrive.

Franchement, c’est incroyable. Ils ont un pays où il fait toujours beau, où il y a des oliviers et des figues à chaque coin de rue, des ruines à la pelle, qu’on ne sait plus qu’en faire et des touristes qui viennent boire de l’ouzo presque toute l’année. Vous voudriez qu’ils aient quoi en plus ?

Non parce que quand on a un pays comme ça, qu’on n’a rien fait pour qu’il soit comme ça, en plus, même pas besoin de trimer, le soleil c’est naturel, la mer, c’est naturel, avec ces rochers, ces plages, cette eau transparente et chaude, toutes ces allemandes à peau blanche et aux yeux clairs qui viennent attraper des coups de soleil… Enfin, moi si j’avais un pays comme ça, j’en ferais… je ne sais pas moi, j’en ferais Venise, au moins. Enfin, un truc qui attire les américains… tiens, même des chinois avec leurs tablettes tactiles pour prendre des photos du moindre caillou un peu vieux.

Et puis, il y a le Parthénon, l’Acropole… on y croise des vieilles dames toutes courbées, comme dans les films de Costa-Gavrars… enfin je crois. Si j’étais Grec, c’est sûr, moi, j’aurais fait ma part de labeur pour enrichir le pays, au lieu de flâner et d’attendre que tombent les figues.

Non, parce que c’est connu, les Grecs sont fainéants et tricheurs. Ils trichent, c’est ce qu’on dit. Ils ne payent pas leurs impôts, ils ne travaillent d’ailleurs pas ou alors très peu, à l’heure de la sieste pour qu’on ne remarque pas qu’ils sont au boulot.

Un jour, j’ai parlé avec un Grec… et bien, j’ai tout de suite vu qu’il était différent. D’abord, il n’écrit pas comme nous et ensuite, il a un accent… comme un accent étranger. C’est bizarre, vous ne trouvez pas. Bon, j’ai quand même fait un effort, il avait l’air sympathique. C’est important un Grec sympathique, on se dit, ils n’ont pas tout perdu, ils gardent leur bonne humeur malgré la crise.

C’est bien, comme ça, ils peuvent rester dans l’Europe. Oui, parce que la bonne humeur, en Europe, ça compte. Vous comprenez, avec la crise, les gens sont de plus en plus tristes, alors quand on rencontre un pauvre, enfin, un plus pauvre que nous et qu’en plus il est de bonne humeur, ça nous fait du bien, ça nous rassure en quelque sorte. C’est toujours agréable de sentir que dans ce monde, il y a plus malheureux que nous. Alors, si on garde les Grecs en Europe, c’est pour nous convaincre que nous, on ne va pas si mal finalement.

La dernière fois je parlais avec mon banquier – un homme très bien, cultivé, lecteur assidu des journaux économiques et des chaînes d’information en continues – et il me disait comme ça que les Grecs ne sont pas vertueux question économie. Ça m’a interpelé cette affaire. J’avais jamais pensé qu’il y avait de la vertu en économie. Et bien si ! Si vous empruntez à des taux effarants pour aider les grosses banques du monde capitaliste, vous êtes vertueux, parce que même si vous ne remboursez pas, vous devez ensuite faire des plans d’ajustement structurel dans votre pays, et pour les banques c’est encore mieux que d’être remboursé. Oui, il m’a dit ce mot un peu compliqué : plans d’ajustement structurel ! Franchement, ça m’a épaté, qu’un type comme ça avec sa cravate, son stylo Mont Blanc et son parfum un peu trop épicé, me parle avec autant de justesse de l’économie de la Grèce.

J’avoue que je n’ai pas tout saisi sur le moment. Je ne voyais pas pourquoi quand on ne rembourse pas un prêt que notre gouvernement a contracté sans qu’on le veuille, il faut que ce soit le peuple qui paye. Il m’a expliqué que c’était le principe de l’économie, et que c’était bien pour tout le monde. Ben oui, je n’y avais pas pensé, mais privatiser tous les services publics, allonger les retraites, augmenter la TVA, c’est bon pour l’économie et les marchés.

Là, sur ce coup, mon banquier, il a tapé fort : les marchés ! Rien que le mot, ça m’a fait frissonner. Au départ, on n’y prête pas garde, mais quand on y réfléchit, les marchés, c’est un truc super puissant. Les Grecs, ils n’ont pas compris ça. Ils n’ont pas vu que les marchés, même si on ne les voit pas, c’est le nerf de la guerre. Si tu les méprises, ils se fâchent, si tu te fous de leur gueule, ils frappent fort. Voilà, c’est ce qui est arrivé à la Grèce m’a dit mon banquier.

Alors vous savez ce qu’ils ont fait les Grecs, alors même que depuis plusieurs années ont leur proposait une politique de rigueur pour éviter qu’ils ne fassent les cigales encore un coup, et bien sans prévenir ils ont élu en janvier 2015 un gouvernement contre les banquiers, et en plus démocratiquement. Vraiment, comment voulez-vous qu’ils s’en sortent ?

Moi, si j’étais colonel en Grèce, je mettrais tout ce monde au pas : les gauchistes au cachot ou jetés en mer. Parfois les solutions radicales, ça évite l’épidémie. Evidemment ! Imaginez que l’Espagne s’y mette, et le Portugal en suivant, l’Italie peut être aussi. Non, ce serait la catastrophe, avec la France, on parlerait même de Pandémie, et là, ce serait la mort du capitalisme. Et on ferait quoi ?

Hein, on ferait quoi ? Quoi ? Un autre monde ? Egalitaire et juste ! Vraiment, n’importe quoi !

Heureusement, ils se sont repris durant l’été. On n’a pas envoyé les colonels – mais c’était à deux doigts –  Le nouveau gouvernement a promis de tout régler, de faire payer le peuple.

Ya une justice quand même !