« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire. »

Arrête de te plaindre, mon président à poncho, 17% qui t’aiment, c’est déjà pas mal. Tu dois être content avec la baisse du taux de chômage pour le mois de mars… Eh bien, pour moi, cette prétendue baisse, c’est un scandale ! Inscrit depuis seulement deux semaines chez Pôle emploi, j’étais pas peu fier de faire partie de la grande famille des miséreux, des pouilleux, de l’armée de réserve qui attend l’aumône d’un patron, la becquée de l’État providence. Voilà que maintenant, avec cette baisse historique du nombre de chômeurs officiels, on ne parle que des 49 000 devenus stagiaires, des 44 700 radiés pour défaut d’actualisation, pour causes administratives, ou pire pour vente à la sauvette dans un emploi précaire…

Et de ma fraîche inscription chez Pôle, rien. Pas un mot dans la presse, pas même une brève ! Moi qui vis désormais dans un palace, alternant cocktail, hamac et piscine ventilée par une douce brise. Car oui, je me la coule douce… Après tout, maintenant que je suis chômeur, un de ces gars qui vit des allocations bien grasses payées par les vrais travailleurs – pour l’instant, je suis aussi un mauvais chômeur, je ne touche rien, pas un kopeck… mais j’ai ma carte ! – Désormais, disais-je, je peux défiler devant l’Agence du quartier avec mon air grave et la mine déconfite de ceux qui ont perdu au loto du capitalisme. Je suis pauvre, ma bonne dame !

« Quand tu sauras mon crime et le sort qui m’accable,

Je n’en mourrai pas moins, j’en mourrais plus coupable. »

Heureusement, il y a Pierre Gattaz, le patron des patrons, l’ange bleu de la valeur travail, le chevalier rose du « travailler plus pour gagner moins ». Pierre Gattaz, le fils du père, le fossoyeur d’intermittents.

Parce que Pierrot, il n‘est pas content quand on l’empêche d’aller voir « Phèdre(s) » à l’Odéon.
Il en a marre des 250 000 intermittents qui branlouillent, de tout le pognon qu’ils palpent ces faux artistes ou techniciens du spectacle… ça n’arriverait pas avec Johnny ou Roselyne Bachelot, de véritables artistes populaires, eux ! Quand même, ils sont 65% à se faire royalement 800€ par mois – non, pas Johnny ! – et après, ils se plaignent. On pourrait leur donner le RSA et ils fermeraient enfin leur gueule !

« Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;

Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue. »

Ce soir, Pierrot voulait voir la fille de Minos, roi de Crète ; l’épouse de Thésée, roi d’Athènes – à cette époque, les Grecs ne nous faisaient pas chier, ils partaient à la guerre sans rien dire, contre les Amazones pour une simple histoire de cul ou par diplomatie, ce qui revient au même. À cette époque, les Grecs ne nous suçaient pas les aides internationales. Ils avaient bon goût, ils avaient des Hippolyte, des Aphrodite et des Phèdre pour nous faire rêver…

« Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachées,

C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. »

Pierrot, il a un penchant pour la belle Phèdre. Il serait capable de tuer le Minotaure moustachu de la CGT, pour un regard, un regard seulement… Vous l’avez entendu hurler aux loups, jouer la Pythie contre les amendements de la loi Travail, s’indigner de l’esprit libéral trop étouffé du projet El Khomri. Et là, tout de go, de quitter la table des négociations – tremble peuple de France, le Roi s’en va, le Roi se meurt !

« C’est peu de t’avoir fui, cruel, je t’ai chassé.

J‘ai voulu te paraître odieuse, inhumaine,

Pour mieux te résister, j’ai recherché ta haine.

De quoi m’ont profité mes inutiles soins ?

Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins. »

Et dire que certains nous prédisaient la fin du travail, comme la fin de l’Histoire. L’Histoire ne repasse pas les plats, mais l’Histoire s’écrit rouge sang dans les rues, sur le parvis des monuments ou sur les places royales, dans le regard de ceux qu’on croyait vaincus.

Que dis-tu, Hippolyte ?

« Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur. »