Printemps 2027, mois de mai – c’est toujours en mai que ça se passe…

Dix ans que la Macronie fait son œuvre. Le beau quadra s’est transformé en quinqua, les tempes ont blanchi, la calvitie, masquée par une coupe à la Trump, ne peut totalement se dissimuler, les joues se sont creusées, les rides ont été colmatées par le botox qui donne au visage juvénile du début un air de poupée gonflable.

Le règne de la communication est à son apothéose. Les photos du leader sont partout. Les écrans sont branchés 24h/24 dans tous les lieux publics, sur toutes les façades. Ils diffusent les messages du bonheur macronien, de la société du win-win. La population est heureuse nous dit-on dans tous les bons médias. Elle respire enfin l’air pur de la réussite économique, de la high tech. Tout va bien !

Et puis, sous un soleil discret, mai envoie un signal. Des millions de tracs sont lâchés dans les villes et les villages de France. On ne sait qui en est l’auteur. Les réseaux sociaux restent silencieux. Étrange. Un slogan, un seul, sans aucune explication, sans revendication, sans étiquette politique. Une simple formule : « Sus aux chemises ! »

Les gens se repassent sous le manteau le bout de papier, certains s’en amusent, d’autres restent quelque peu circonspects. Le message file comme une missive urgente, comme une proposition d’une nécessité absolue : « Sus aux chemises ! »

Les porteurs de chemises commencent à s’inquiéter, ceux qui arborent en plus une cravate se sentent menacés.

Comme une trainée de poudre le mot d’ordre s’est transformé : « Sus aux chemises de vos managers, de vos chefs, des vos DRH, des exploiteurs de tout poil,… Sus aux chemises ! »

Le peuple qu’on croyait endormi, assommé par une décennie de manipulation, qui avait vu fondre tous les conquis sociaux du siècle passé s’était enfin réveillé. Il avait suffit d’une simple proposition : « Sus aux chemises ! »

« Sus aux chemises ! Arrachez-les, sans discussion, sans raison, ça fait si longtemps que vous subissez la loi du marché, de leur marché. Sus aux chemises de l’oppresseur ! Vive la révolution du marcel ! »

C’était parti comme une boutade, une petite phrase sans conséquence et le peuple s’en est emparé. Allez savoir pourquoi ? Dans toutes les entreprises – le service public ayant disparu- de la plus insignifiante à la plus prestigieuse, les chemises valsaient, les cris retentissaient. Dans les rues des hommes et des femmes couraient terrorisés, en haillons, cravate en bataille, manche déchirée, col ne tenant qu’à un fil, des lambeaux de tissu gisaient au sol, des chaussures de grande marque avaient perdu leur propriétaire… Le chaos.

La révolte des chemises venait de démarrer.

Les jours qui suivirent, le gouvernement envoya l’armée, fit tirer sur la foule, d’abord avec des armes non létales, puis rapidement les morts se comptèrent par milliers. Quand on passait dans les quartiers d’affaires, il était préférable de ne pas raser les murs, et de marcher au milieu de la rue. Le risque était moindre. En effet, la rage était telle que par paquets de dix, les cadres et autres managers dégringolaient des tours de verres et venaient s’éclater sur les trottoirs, la chemise ouverte, maculée de tripes et de sang. Un vrai carnage.

Après quelques mois de jacquerie populaire, le gouvernement, avec à sa tête son président apeuré, attirail sexuel en bandoulière, prit la fuite vers des pays accueillants où les chemises étaient encore à l’honneur.

Il fallait repartir à zéro. Le temps du monde fini était à construire.